Kant, L’idée d’une histoire universelle du point de vue cosmopolitique (5eme proposition)

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L'analyse du professeur


« L’enfer, c’est les autres » : cette célèbre citation de Sartre, extraite de Huis clos, sert souvent pour caractériser l’insociable sociabilité de l’homme moderne, incapable de se plier aux règles sociales, et de se comporter de façon respectueuse de la liberté d’autrui. Pourtant, il est souvent reconnu que l’époque contemporaine, essentiellement caractérisée par le fondement universaliste des droits de l’homme, aurait accédé à un modèle de paix sociale reposant ultimement sur la perfectibilité inhérente aux individus peuplant les sociétés démocratiques. Comment appréhender un tel paradoxe ? Est-il constitutif de nos vies démocratiques, voire plus largement de toute forme de sociabilité humaine ?
Le texte de Kant, extrait de la cinquième proposition de L’idée d’une histoire universelle du point de vue cosmopolitique est, à cet égard, particulièrement précieux, non seulement parce qu’il se propose de justifier l’état d’insociable sociabilité de l’homme, mais également parce qu’il se situe historiquement au moment de la construction du modèle démocratique, c’est-à-dire au cœur du mouvement des Lumières. La thèse que défend ici Kant consiste à montrer que l’histoire serait animée par une forme de ruse, au cours de laquelle la méchanceté naturelle de l’homme contribue paradoxalement à sa discipline sociale, c’est-à-dire que les intérêts les plus néfastes et égoïstes, en s’entr’empêchant, aident à construire les normes légales gouvernant au devenir politique de chacun. Cette thèse apparaît néanmoins comme problématique, dans la mesure où les individus sont ici présentés comme dépourvus d’une conscience politique véritable, à tel point que la société démocratique ne semble pas construite positivement, mais ne résulter négativement que de la conflictualité.
Nous nous attacherons à montrer que ce texte se fonde tout d’abord sur une fiction, au moyen de laquelle Kant imagine abstraitement la cause première de la société, sous la forme d’une détresse initiale du genre humain. Nous nous efforcerons ensuite de comprendre de quelle manière la métaphore sylvestre lui permet de fournir une définition de la culture.
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