Sur quoi la justice se fonde-t-elle ?

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L'analyse du professeur


La justice est un pouvoir de jugement permettant le règlement des conflits et l’harmonisation d’une situation. Ce pouvoir de jugement ne peut donc s’effectuer que dans la mesure où il est l’application d’un critère de justice. Or, ce critère peut se définir d’une double manière. Nous pouvons penser, d’une part, qu’il est ressenti à un niveau individuel, puisque chacun possède une conception du bien et du mal, que cette conception soit innée ou acquise, qu’elle lui vienne de son éducation ou qu’elle lui semble s’imposer naturellement dès qu’il agit. Mais nous pouvons constater, d’autre part, que ce critère du bien et du mal se trouve défini à un niveau collectif par les lois qui régissent le rapport entre les individus et par la morale propre à une société.

Ainsi, se demander sur quoi se fonde la justice revient à analyser le rapport entre ces deux façons de penser l’origine du critère du bien et du mal, à un niveau individuel ou à un niveau collectif. En effet, l’action de se fonder correspond à la recherche d’une justification possible, ce qui signifie qu’il s’agit de se demander comment établir la validité du critère de définition de la justice. En outre, la présence du réfléchi « se » indique que le fondement ne dépend pas d’une logique externe : c’est à la justice de produire sa propre justification. En d’autres termes, le sujet suggère que le fondement de la justice est un fondement autoréférencé (la justice procède d’une logique de fondation autonome). Le paradoxe du sujet apparaît alors immédiatement : si, par essence, la justice collective revient à trancher un différend pour une partie et contre l’autre, est-il possible de trouver une procédure qui lui confère une légitimité aux yeux de tous ceux qu’elle administre, de trouver un point de convergence entre les différentes conceptions individuelles de la justice ?

(...)

Plan proposé

Partie 1

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Nous pouvons tout d’abord partir de la convergence possible entre justice individuelle et justice collective. En ce sens, la justice semble être une valeur que possède chaque individu, c’est-à-dire un critère propre à tout homme en tant qu’homme conscient de ce qu’il fait.

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Dès lors, à un niveau collectif, la justice exprime par des lois ce qui se trouve en chacun.

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Plus profondément même, il semble que la justice légale (celle des lois) a pour fonction d’exprimer le bien commun et de fixer une norme publique qui indique à chacun la règle bonne qu’il peut trouver en soi, pour peu d’être objectif.

Partie 2

a

Néanmoins, ce fondement individuel de la justice paraît problématique. En effet, le fait même de devoir recourir à des lois définissant les règles communes atteste l’existence de divergences entre les conceptions individuelles du juste.

b

Ce constat conduit alors à penser que la justice ne se fonde pas tant sur un critère moral individuel partagé par tous, mais sur la simple expression légale de ce critère supposé partagé (mais pas toujours consciemment), ce qui fait que la justice se fonde plutôt a posteriori sur la loi qu’a priori sur la morale individuelle.

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Tout le problème est alors d’éviter à la loi de paraître arbitraire, ce qui suppose que toute loi, même si elle est purement positive, a la capacité à la fois de s’imposer (en s’adjoignant le pouvoir de contrainte de la force) et de se justifier rationnellement comme bonne et nécessaire à l’existence de la société.

Partie 3

a

Toutefois, il n’est pas évident que cette exigence idéale de résorption de l’écart entre le juste collectif et le juste individuel soit possible. En effet, tous les individus n’ont pas nécessairement la capacité rationnelle de comprendre en quoi leur conception individuelle de la justice est erronée.

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En outre, le double écueil de la généralité de la loi et de la difficulté à définir de façon absolue la loi juste parait condamner la possibilité de formuler une loi opérant immanquablement l’adéquation entre le juste collectif et le juste individuel.

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Par conséquent, la justice ne peut se fonder que sur un consensus raisonnable, c’est-à-dire qu’en se fondant formellement sur le contrat social, elle est appelée à améliorer constamment le fonctionnement de son système d’application judiciaire afin de se montrer la plus équitable possible.