Schopenhauer, Aphorismes sur la sagesse dans la vie - amitié

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L'analyse du professeur


Platon prétendait, dans le Lysis, que l’amitié résulte d’une volonté de s’approprier les qualités de l’autre, parce que ces qualités nous fascinent et nous attirent. Profondément centrée sur la représentation intellectuelle, cette idée du désir pour les qualités semble toutefois s’opposer à l’expérience la plus commune de l’amitié, plutôt pour sa part centrée sur l’émotion et le sentiment. Comment expliquer cet apparent hiatus entre le sentiment et la représentation intellectuelle ?
C’est à cette question que s’attache à répondre le texte de Schopenhauer ici soumis à notre étude. Il défend en effet une thèse pessimiste, selon laquelle la véritable amitié est indiscernable des masques de l’égoïsme, ce qui le conduit à affirmer la nécessité de se contenter de quelques témoignages disparates d’amitié. Plutôt que de le déplorer, ne faut-il pas plutôt constater que le sentiment amical est par nature profondément ambigu ? La thèse de Schopenhauer ne recèle-t-elle pas une ambiguïté, puisqu’elle explique elle-même que l’amitié peut jaillir des imperfections de la nature humaine ?
Nous nous attacherons à montrer que le texte débute par un propos nostalgique qui déplore le recul de l’amitié authentique, et oppose ainsi fondamentalement égoïsme et amitié. Nous chercherons alors à comprendre de quelle manière il en vient ensuite à défendre une morale du pessimisme, au regard de laquelle l’homme doit se contenter du peu des restes d’amitié qui animent encore des relations humaines. Nous achèverons enfin notre analyse en montrant que Schopenhauer opère une généralisation finale, qui lui permet à la fois de poser le principe de la proportionnalité entre proximité et amitié, et d’envisager l’amitié plus comme un principe émotionnel que comme sa traduction intellectuelle.
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