Quelles sont les règles de l’art ?

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L'analyse du professeur


Pour Hegel, « l’art est la présentation sensible de l’idée ». Si cette citation bien connue requiert, pour être pleinement signifiante, de comprendre de quelle manière Hegel inscrit la question de l’art dans la logique de déploiement de l’Esprit tel qu’il prend conscience de lui-même, il est peu contestable que sa manière de penser l’art implique le fait que l’art n’est pas un domaine sans cohérence et sans finalité. À cet égard, l’art semble répondre à des règles, et se développer sous la condition de ces règles.
Quelles sont dès lors les règles de l’art ? Par règles, il semble nécessaire d’entendre une certaine logique de fonctionnement, au regard de laquelle l’ensemble des œuvres traduiraient la manifestation d’une rationalité propre au domaine de l’art. Pourtant, l’art semble de fait échapper à une telle rationalité. Domaine de la sensibilité, de l’expression esthétique libre, s’il connaît des règles, ce sont celles techniques de la réalisation des œuvres, et de telles règles ne semblent elles-mêmes exister qu’en raison de la possibilité de les nier, ou de les transgresser. Parler de règles l’art semble donc confiner à un paradoxe : l’art pourrait se penser comme régulé (pour celui qui chercherait, à l’image de Hegel, à en saisir la logique transcendante), sans jamais l’être par lui-même.
Nous nous attacherons ainsi tout d’abord à montrer que l’art est le domaine de la créativité, et ne semble pouvoir exister qu’en raison d’une liberté contradictoire de toute règle. Nous en viendrons toutefois à constater qu’il est possible de le saisir comme un domaine régulé, à la condition de ne concevoir la règle que comme le moyen d’en identifier les invariants. Dès lors, nous nous interrogerons sur la possibilité de considérer l’art comme un avènement de règles, qui sont moins des contraintes que des moyens de liberté et de dépassement.

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Plan proposé

Partie 1 : La règle de la dérégulation

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Le propre du créateur artistique est d’être parfaitement libre dans sa création, dans la mesure où le propre de l’art est de dépendre d’une forme de génie par lequel adviendraient les œuvres.

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En ce sens, l’œuvre d’art serait une pure nouveauté, et jamais un plagiat ou une reproduction. Elle existerait par le fait de transgresser les règles.

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Enfin, l’interprétation de l’art échappant à toute codification, l’art apparaît comme un langage hermétique aux codes et aux principes interprétatifs : il se laisse voir sans se résumer à la façon dont certains l’interprètent.

Partie 2 : Le soubassement des règles.

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Il reste toutefois que toute création résulte de la mise en forme d’une idée, d’une intuition, d’un sentiment ou d’un besoin. À cet égard, l’art procède d’une façon de faire : il obéit bien à des règles de possibilité.

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De telles règles sont donc autant de méthodes permettant de comprendre et de former les artistes. Ainsi l’art semble bel et bien se comprendre, en partie tout au moins, au moyen de ces règles.

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Enfin, si l’art est contenu dans les règles de sa production, la capacité à comprendre une œuvre est elle-même dépendante de règles d’interprétation, d’un contexte de signification. L’art est donc partagé entre les règles de sa production et les règles de sa contemplation.

Partie 3 : Le dépassement des règles.

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Il apparaît toutefois que toute mise en forme artistique ne peut se résumer à ce double jeu de règles. Un artiste est libre par définition, et il ne connaît et ne reconnaît que les règles qu’il s’impose à lui-même. Les règles extérieures à son besoin créateur sont donc des contraintes qu’il se doit de transgresser.

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En outre, même les règles qu’il s’impose à lui-même ne sont que des guides, qui fonctionnent moins comme des freins que comme des catalyseurs de la créativité. L’art est donc libre, et ne peut s’entendre par la rationalité des règles.

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La seule règle qui définirait l’art est donc celle de sa propre négation. L’art est de l’ordre du jugement réfléchissant : il renvoie le besoin de règles à sa propre vacuité et impose au regard l’absence de règle.