Que faut-il opposer à la bêtise ?

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L'analyse du professeur


La bêtise de Cunégonde contraste avec l’innocence de Candide. Dans le conte philosophique en effet, si la première est irrémédiablement bête (elle le reste tout au long du conte), le second apprend, et finit par acquérir une forme de sagesse ou de culture qui le distingue de ses compères. En ce sens, si la culture s’oppose à l’innocence, que faut-il opposer à la bêtise ?
Une telle question exige d’interroger la racine de la bêtise, d’en questionner les fondements pour en saisir la raison d’être. Il ne s’agit en effet pas simplement de savoir quels seraient les adversaires de la bêtise, puisqu’une telle réponse ne déboucherait sur une liste plus ou moins approximative de candidats. Il faut plutôt ici paradoxalement saisir la logique de la bêtise, et tenter de comprendre tant ce qui la fonde que ce qu’elle peut développer. Le problème est en ce sens celui du relief de la bêtise : comment est-il possible de lutter contre ce qui semble multiforme, et ne paraît justement pas logique ? Peut-on espérer décrire la bêtise comme un fonctionnement unifié et compréhensible, alors même qu’elle se caractérise par le déni d’intelligence, l’ignorance, voire l’absurde ?
Nous chercherons ainsi d’abord à partir du fait que la bêtise est l’état de la bête, c’est-à-dire de celui qui fonctionne comme un animal. Nous montrerons toutefois qu’il ne suffit pas d’opposer l’intelligence et la culture à la brutalité animale pour mettre fin à la bêtise spécifiquement humaine, qui n’est pas simplement une absence mais un déni, un rejet de l’intelligence. Nous en viendrons enfin à considérer qu’au-delà de ce qu’il est possible d’opposer à cette défiance d’intelligence, il faut paradoxalement considérer la bêtise dans sa logique propre, qui tient à une conviction apparente d’intelligence, et lui opposer une attitude critique inlassable, qui est le propre de la méthode rationnelle.
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