Qu’est-ce que la métaphysique ?

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L'analyse du professeur


Dans Les principes de la nature et de la grâce fondés en raison, Leibniz pose une question qui deviendra une des plus fameuses en philosophie : « pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien ? ». La réputation de cette question, d’apparence générale et un peu obscure, n’est pas tant due à ce que cherche à démontrer précisément Leibniz dans son ouvrage qu’au fait qu’elle s’inscrit dans une tradition de questionnement qui est en quelque sorte à l’origine du questionnement philosophique : il s’agit de la tradition portant à définir la philosophie comme un « étonnement », c’est-à-dire comme un domaine ne se contentant pas de constater que les choses existent, mais cherchant à en trouver les raisons d’être, à les expliquer. Se situant par nature dans ce qui est méta-physique, c’est-à-dire au-dessus, au-delà, derrière les choses physiques, cette discipline se serait donc fondée sur la volonté de trouver les principes premiers de toute chose.

Se poser la question « qu’est-ce que la métaphysique ?» reviendrait en ce sens presque à se poser la question de savoir ce qu’est la philosophie, en tout cas si l’on identifie le cœur et le fondement du questionnement philosophique à une recherche de l’explication première des choses et non à une spécialisation autour de certaines propriétés des choses (ce que deviendra en partie la philosophie avec la spécialisation des connaissances et le progrès de la civilisation). Le problème auquel nous confronte cette question relève d’un paradoxe patent : comment l’homme, dont les connaissances paraissent dépendre uniquement de la capacité à percevoir le monde et à le connaître tel qu’il se donne par la manifestation des phénomènes pourrait-il crever les apparences et parvenir à ce qui se tient en dessous du monde physique, c’est-à-dire à ce qui conditionne sa perception elle-même ?

Nous chercherons tout d’abord à montrer que la métaphysique semble relever d’une illusion de la raison, qui tente de s’affranchir de sa dépendance sensible au risque de poser des êtres chimériques pour combler ses lacunes de connaissance. Nous en viendrons ensuite à infléchir cette conviction en constatant que la métaphysique a le mérite de fournir une grille d’intelligibilité rationnelle à l’homme, et peut ainsi revendiquer le statut de science de l’être. Il nous faudra toutefois enfin nuancer cette valeur ontologique pour en venir à montrer que l’importance de la métaphysique se situe moins dans sa capacité à décrire les choses telles qu’elles sont que dans sa capacité à les penser telles qu’elles pourraient et devraient être, ce qui revient à lui donner une valeur morale fondamentale.

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