Peut-on vraiment être convaincu sans être persuadé ?

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L'analyse du professeur


Ce sujet pose le problème de savoir si une conviction diffère fondamentalement d’une persuasion. Dans 1984, Winston Smith, employé du ministère de la vérité, est accusé par O’Brien (surveillant de l’Angsoc, le parti unique) d’une faute qu’il ne comprend pas. Il est convaincu qu’il n’est pas coupable, et pourtant O’Brien n’a de cesse d’essayer de la persuader du crime de sa pensée. À cet égard, il semble bien que la persuasion soit moi louable moralement que la conviction : elle semble procéder d’une méthode de séduction un peu artificielle. Est-ce toujours le cas ? Peut-on vraiment être convaincu sans être persuadé ? La distinction entre les deux procédés de créance semble complexe. En effet, si la conviction semble ancrée dans le sujet pensant, la persuasion semble désigner l’influence d’une sujet sur un autre, c’est-à-dire une forme d’attachement passionnel de la volonté à une idée qui n’est pas vérifiée. Néanmoins, « convaincre et persuader » sont souvent indistincts, comme dans la formule qui sert pour désigner l’objet d’étude des Lumières aux épreuves du baccalauréat de français. Peut-on, plus fondamentalement, dissocier l’attachement subjectif de la persuasion, d’un attachement plus objectif de la conviction ? Peut-on ne pas adhérer passionnément à une vérité que l’on sait fondée ? Nous nous attacherons d’abord à montrer que nous ne pouvons construire le vrai qu’à la condition de mettre en doute tous les préjugés qui nous entourent. Néanmoins, s’il semble alors que persuasion et conviction sont exclusives, nous essaierons de montrer que la conviction elle-même entraîne immanquablement une adhésion sentimentale et une forme de contentement qui est de l’ordre de la persuasion. Nous chercherons donc ensuite à montrer que le vrai connu s’accompagne toujours d’une dynamique passionnelle qui peut, à cet égard, lui servir pour s’affermir. Cette analyse nous conduira alors à nous demander si la conviction diffère fondamentalement de la persuasion, dans la mesure où les deux apparaissent toujours conjointes et ne semblent pouvoir être distinguées qu’abstraitement.

[...]

Plan proposé

Partie 1

a

Selon Descartes, la connaissance commence par la mise en doute de nos préjugés et des anciennes vérités apprises mais nos vérifiées,

b

ce qui signifie que la conviction ne peut venir que du sujet connaissant qui soumet l’ordre des choses à l’ordre des raisons de son esprit

c

à la différence de celui qui est persuadé et qui est victime des pensées toutes faites et ne soumet pas le discours qu’on lui apprend au crible de son analyse critique, comme le montre Kant.

Partie 2

a

Toutefois, il est évident que celui qui a atteint une conviction a réussi à se rendre « comme maître et possesseur de la nature » (Descartes, Discours de la méthode, VI) a atteint une conviction dont il peut être fier.

b

Il se montre donc naturellement content et témoigne d’une forme d’attachement sentimental à ce qu’il a patiemment construit.

c

Dès lors, nous devons remarquer que conviction et persuasion ne sont jamais réellement dissociées dans un sujet pensant attaché à ce qu’il pense. La persuasion apparaît d’ailleurs comme essentielle pour un sujet qui a besoin de s’affirmer et de se guider dans l’existence.

Partie 3

a

Ainsi, il semble possible d’affirmer avec Kierkegaard que seule la vérité subjective a un sens pour celui qui veut agir et maîtriser son existence,

b

ce qui implique d’ailleurs que l’attachement subjectif de chaque homme à sa connaissance est certainement bien plus puissant que sa simple conviction rationnelle.

c

En ce sens, il est même possible de souscire à l’idée de Nietzsche qui montre que la volonté de connaître reste subordonnée à une volonté de vie qui est volonté de puissance ou d’affirmation de soi dans l’existence. La persuasion devient donc le moteur d’une conviction qui n’est que le témoin d’un adhésion rationnelle très limitée.