Paul Ricoeur, Le Volontaire et l'Involontaire

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L'analyse du professeur


« De chacun selon ses moyens, à chacun selon ses besoins » : cette célèbre phrase de Marx, tirée de la Critique du programme de Gotha, désigne à la fois le principe d’une critique de l’économie capitaliste (qui inféode la satisfaction des besoins à la capacité de production d’une richesse) et la proposition marxiste d’une nouvelle forme de gestion économique (qui déconnecte justement la satisfaction du besoin de la capacité productive). Si cette proposition est par elle-même très problématique, comme en témoignent les discussions économiques et philosophiques qu’elle a pu engager, elle permet de comprendre que la question de la gestion des besoins est inscrite au cœur de l’existence humaine. Autrement dit, l’homme ne pourra être homme qu’en raison de sa capacité à trouver une réponse à la question fondamentale des besoins.
C’est d’une certaine manière un problème que rejoint autrement le texte de Ricoeur ici soumis à notre étude. Le philosophe français montre ainsi que l’homme doit, pour devenir lui-même et se distinguer des autres animaux, gérer l’immédiateté de ses besoins. La thèse de ce texte est toutefois assez originale, puisqu’il a pour ambition de montrer que la liberté humaine se fonde dans un pouvoir de refus de l’aliénation au besoin, c’est-à-dire dans une capacité à rejeter les besoins qu’il n’est pas possible de satisfaire, à la faveur de laquelle l’homme pose des valeurs qui lui sont propres.
Nous nous attacherons à montrer que la première partie du texte à pour fonction d’expliquer que le pouvoir de l’homme sur ses besoins dépend de sa capacité à ne pas se plier aux exigences d’un besoin impossible à satisfaire. Nous pourrons dès lors saisir que la deuxième partie de ce texte peut voir la socialisation des besoins comme le lieu d’une affirmation morale, au cours de laquelle l’homme peut faire de son refus l’affirmation d’une force morale et de valeurs qui lui sont propres. Nous en serons alors conduits à comprendre que la liberté humaine n’existe qu’en raison de la capacité humaine à affirmer une volonté dans les situations d’involontaire.
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