Le pouvoir doit-il revenir au peuple ?

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L'analyse du professeur


Lorsque George Bush a défendu la nécessité d’attaquer l’Irak, il a avancé l’argument selon lequel le risque de possession d’armes de destruction massive était trop dangereux pour ne pas pratiquer une guerre préventive de leur usage potentiel. Cet argument, dont Tony Blair a depuis concédé qu’il était faux, pose le problème de l’instrumentalisation de l’opinion politique du peuple en démocratie. Faut-il en effet que les responsables politiques choisissent de s’affranchir de leurs obligations de vérité à l’égard du peuple pourtant souverain afin d’effectuer les actions politiques qui leur semblent justes ? Le peuple n’était-il pas apte à comprendre les bonnes raisons de faire plier le dictateur Saddam Hussein ?



Le sujet « le pouvoir doit-il revenir au peuple » prend ainsi tout son sens, puisqu’il présuppose que ce pouvoir lui a été indument spolié, et qu’un véritable pouvoir ne peut se penser sans fonder sa légitimité sur un tel peuple. La difficulté toutefois comprise dans la formulation d’une telle question vient de deux formes de questions. D’une part, si le pouvoir est par définition l’exercice légal d’une puissance, le fait de considérer qu’il doit « revenir » au peuple suppose qu’il vient du peuple, et donc qu’il n’est pas possible de penser autrement la légalité et / ou la légitimité de celui qui est souverain. D’autre part, si le peuple désigne l’ensemble des individus qui vivent ensemble sur un même territoire et ont une identité commune en raison de l’histoire qui les réunit sur cette terre, ce sujet ne présuppose-t-il pas trop rapidement l’unité de l’identité de ce peuple, en considérant que cette unité peut fonder une volonté politique gouvernant à son destin ? Ces deux questionnements conduisent alors à un problème épineux : ne faut-il pas reconnaître que la possibilité que le pouvoir échappe au peuple signifie déjà que le pouvoir est fragile lorsqu’il est exercé par le peuple, et que la volonté de le redonner au peuple n’est qu’une façon de vouloir compenser une tendance naturelle à ce qu’il lui échappe, alors que la nature même du pouvoir serait justement de supposer qu’une autorité contraint un ensemble de sujets qui ne possèdent pas le pouvoir ? Autrement dit, la dissociation naturelle entre gouvernants et gouvernés n’est-elle pas plus opérationnelle si le pouvoir n’est pas conçu comme venant du peuple, et si l’on accepte que certains fondent et exercent une puissance sur d’autres qu’ils n’ont d’autre raison d’être que de la subir ?

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