Le langage exprime-t-il notre être ?

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L'analyse du professeur


Selon Aristote, dans Les politiques, le propre de l’homme est d’être un animal politique, ce qui se traduit au premier chef, à ses yeux, par le fait de posséder le don de la parole. Le langage serait donc une propriété essentielle de l’être humain, parce qu’il serait la clé du développement de l’humanité de l’homme.
Se pose alors la question de la nature de langage, et des raisons de son utilité cruciale. Qu’exprime le langage ? Capacité à mettre en forme, c’est-à-dire en voix ou en phrases écrites les pensées, le langage semble être un moyen dont se sert l’homme pour rendre commun et partager ce qui se passe en lui, ce qui le caractérise en propre, dans son for intérieur. Le langage semble donc être un vecteur de communication qui permet de généraliser et de sortir de la subjectivité de celui qui pense. Comment alors le langage pourrait-il être ce qui caractérise en propre l’homme ? Ne faut-il pas penser que le langage n’est qu’un moyen superficiel, qui n’exprime rien de propre et d’authentique ? Le paradoxe auquel ce sujet invite à réfléchir est celui selon lequel le langage est à la fois ce qui semble permettre à l’homme de sortir de sa subjectivité pour construire un devenir commun avec les autres, et ce qui n’y parvient qu’au prix d’un renoncement à l’intime et au proche, par lequel l’homme perd ce qu’il semble être fondamentalement.
Nous poserons tout d’abord le problème du rôle du langage en partant du constat que l’homme possède ainsi un outil extrêmement puissant qui lui permet de sortir de son animalité et de son immédiateté (I). Nous en viendrons toutefois à nuancer cette approche positive du langage pour montrer que son usage dénature nécessairement ce qui est vécu de façon subjective et personnelle, et paraît enfermer l’homme dans un monde de communication qui n’exprime jamais ce qu’il est (II). Il nous faudra alors nous interroger sur cette duplicité du langage, pour essayer de la dépasser et de montrer que le langage est un media qui ne parvient à ses finalités qu’à la condition de produire les moyens de son interprétation, c’est-à-dire à la condition de laisser exister l’être qu’il exprime dans sa différence et sa richesse (III).
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