Le bonheur n’est-il pour l’homme qu’un idéal ?

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L'analyse du professeur


« Il n’y a qu’une route vers le bonheur, c’est de renoncer aux choses qui ne dépendent pas de notre volonté » déclare Épictète. La philosophie stoïcienne a joué un rôle considérable dans la façon de théoriser le bonheur. Ce que montre en effet Épictète est que l’homme est fragile et ne doit pas accorder d’importance à ce qui ne dépend pas de lui. Malheureusement, la formule est bien difficile à respecter lorsqu’il s’agit d’évènements qui touchent ce qui a le plus de prix à nos yeux, comme la maladie, la mort de nos proches..

À cet égard, il semble bien que le bonheur soit un idéal qui exige que nous nous prémunissions de ce qui peut nous faire du mal, de ce qui nous fait souffrir, sans que nous soyons jamais parfaitement certains de le pouvoir, et même peut-être à l’inverse, puisque nous savons pertinemment que nous ne saurons contrôler les événements qui nous arrivent. Toutefois cette définition du bonheur peut aussi sembler assez désespérante. La conscience de l’homme a pour propriété de lui faire apercevoir ce qui lui manque, de le confronter sans cesse au désir d’un mieux. Dès lors, même dans le cas où il ne souffrirait pas, l’homme semble paradoxalement aspirer à un bonheur qui ne résiderait pas seulement dans l’absence de souffrance mais dans l’espoir d’un meilleur. Comment alors être heureux ? Qu’est-il donné à l’homme d’espérer ?

Nous nous attacherons d’abord à montrer que le bonheur semble ne pas être un idéal au sens d’une projection de l’esprit, mais plutôt une réalisation concrète et pragmatique consistant en une absence de souffrance. Mais nous tenterons ensuite de montrer que cette condition n’est pas suffisante, tant le désir de choses meilleures paraît lui-même nécessaire au fait d’être heureux : un homme est en ce sens un être dont la conscience le pousse irrémédiablement à se forger des idéaux. Dès lors, nous nous demanderons si le bonheur ne procède pas paradoxalement et de façon masochiste du fait de ne jamais nous satisfaire de ce que nous avons, ce qui semble dessiner la figure d’un idéal négatif faisant de la privation le sens même de la vie.

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