La conscience de soi peut-elle rendre l’homme malheureux ?

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L'analyse du professeur


Dans Les confessions, Rousseau explique qu’il se souvient de certains épisodes traumatiques de son enfance qui ont fait naître en lui le sentiment de l’injustice. Cette narration que l’on retient souvent sont le nom du « ruban volé » ou du « peigne cassé » est le récit d’une prise de conscience de soi lors de laquelle le jeune Rousseau réalise que le monde ne correspond pas nécessairement à ses désirs, et que tout action implique une responsabilité et une confrontation à une altérité qui ne se plie pas nécessairement à ses désirs.

Cet exemple paraît nous instruire sur le fait que la conscience de soi peut rendre l’homme malheureux. Ce constat paraît cependant paradoxal. Si nous définissons en effet la conscience comme con-science, nous devons comprendre la conscience comme le fait d’avoir une connaissance, un savoir, et la conscience de soi comme l’opération par laquelle un homme prend connaissance de lui-même ? Cette connaissance semble alors correspondre à une meilleure capacité à se comprendre, et il n’apparaît pas évident que cette compréhension ait immédiatement pour conséquence un sentiment de douleur et de tristesse, puisque la compréhension est en général plutôt conçue comme un auxiliaire important de la vie et de l’action, permettant à l’homme d’être mieux préparé face aux évènements qui peuvent lui arriver. N’est-il en ce sens pas paradoxal de présenter la connaissance comme un malheur alors même que la connaissance semble distinguer l’homme de l’animal et faire de lui un être plus intelligent et mieux à même d’agir en connaissance de cause ?

Nous essaierons ainsi de montrer tout d’abord que la conscience de soi est un atout qui permet à l’homme de viser un bonheur auquel il n’aurait pas accès s’il ne la possédait pas. Néanmoins, nous constaterons ensuite que cette visée du bonheur repose sur des incertitudes et peut entraîner des frustrations qui font que l’homme peut souffrir de cette disjonction entre ce qu’il pense et ce qu’il vit. Nous tenterons alors enfin de dépasser cette opposition entre bonheur et malheur pour montrer que la conscience de soi ne peut rendre l’homme heureux qu’à la condition qu’il refuse de considérer la conscience de soi comme une vérité indubitable.

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