L’opinion est-elle condamnable ?

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L'analyse du professeur


Lorsque Zola publia « J’accuse ! », il apparut comme un « intellectuel engagé » se servant du poids public de l’opinion pour contrer les dérives politiques de l’Affaire Dreyfus. L’opinion est ainsi apparue comme une forme de bon sens du peuple capable de prendre conscience des limites et des partis-pris des spécialistes de la politique et de l’armée, et il paraît depuis lors au moins impossible de condamner l’opinion au nom d’une science supposée ou d’une connaissance de spécialiste.

Il n’en a pourtant pas toujours été ainsi, notamment dans l’histoire de la philosophie, puisque Platon par exemple pouvait considérer que l’opinion (qu’il appelait la doxa) devait être rejetée au nom de la science, c’est-à-dire d’un savoir démontré et maîtrisé permettant de détruire les fondements des préjugés et de l’ignorance. De fait, la différence qui semble fonder le rejet et la condamnation de l’opinion est celle entre jugement bien pesé et fondé, et jugement sans fondement et reposant sur des convictions fautives. À cet égard, on pourrait se demander si l’opinion est toujours condamnable, pas simplement parce qu’elle pourrait se tromper, mais parce qu’elle relèverait d’une méthode par essence déficiente. Comment se fait-il alors d’ailleurs qu’elle pourrait atteindre parfois la vérité ? Jusqu’à quel point l’homme est-il capable de s’affranchir de ce qui semble marquer la faiblesse de l’opinion, est-il en mesure de proposer un fondement indubitable et assuré à sa connaissance ?

Nous chercherons tout d’abord à montrer que ce qui peut justifier la condamnation de l’opinion. Puis nous nous efforcerons de repérer les limites de cette démarcation en argumentant que toute connaissance repose elle-même sur une forme de croyance. Nous en viendrons ainsi enfin à relativiser considérablement la différence entre connaissance et opinion, en montrant que la condamnation de l’opinion relève d’une peur de l’erreur méconnaissant la nature de la vérité.

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