L’interprétation est-elle nécessaire à l’homme ?

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L'analyse du professeur


La notion d’interprétation paraît désigner une opération uniquement utile lorsque l’esprit n’est pas en mesure de comprendre. Il faudrait donc interpréter pour accéder au sens, pour comprendre ce qui est dit. Cependant, il semble que tout homme possède des facultés de compréhension qui dépendent de la façon dont il a formé son esprit, de son intelligence et de son instruction. Ainsi, nous ne comprenons pas tous forcément la même chose devant des situations identiques, alors même que nous pensons individuellement comprendre correctement ce dont il s’agit. La notion d’interprétation devient donc plus complexe, puisque son utilité semble à géométrie variable, c’est-à-dire qu’elle ne dépend pas seulement du fait de ne pas comprendre du tout. Autrement dit, la nécessité de l’interprétation pour l’homme conduit à prendre conscience du paradoxe selon lequel même lorsque nous pensons comprendre les situations dans lesquelles nous sommes, nous sommes peut-être loin de tout comprendre. La question de la nécessité de l’interprétation pose donc fondamentalement la question des degrés de compréhension auxquels peut accéder l’homme, c’est-à-dire la question de la nature du langage et de son rapport avec la pensée. Faut-il voir le langage comme le seul moyen de la compréhension, auquel cas ce langage, en tant qu’il porte nécessairement sur des mots qui peuvent désigner plusieurs choses à la fois (ce qui est également le cas de beaucoup de noms propres), condamne l’homme à être toujours dans une logique interprétative ? Ne peut-on au contraire montrer que l’homme accède aussi au sens en fonction d’un contexte de pensée, qui inclut au-delà du langage les conditions matérielles et spirituelles de l’acte de signification, ce qui permettrait alors de penser que l’interprétation n’est pas une nécessité, puisque le sens serait immédiatement accessible à partir de son contexte ? (...)