L'art nous est-il plus nécessaire que la technique ?

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L'analyse du professeur


L’urinoir de Duchamp est une œuvre désormais symbolique d’un tournant de l’art, qui serait ainsi devenu détaché de sa vocation esthétique classique, et ne devrait plus être considéré comme un moyen d’embellir le monde, ou même de le décrire, avec talent ou génie. Dans ce tournant, l’art est vraisemblablement devenu un monde à part, inconnu et partiellement hermétique, dont la gratuité et la provocation semble conduire à la confidentialité.
À cet égard, si l’art n’a jamais semblé particulièrement indispensable à la satisfaction des premiers besoins de l’humanité, il apparaît aujourd’hui largement déconnecté des préoccupations du commun des mortels, au poins que se demander s’il pourrait être plus nécessaire que la technique semble relever de la gageure. Pourtant, bon nombre de théoriciens de l’art ont pourtant prétendu à l’utilité de l’art, voire à la nécessité d’accorder une priorité à la vision esthétique du monde, seule capable, comme le disait Dostoïevski, de « sauver le monde ». Pourquoi revendiquer une telle supériorité d’un art, qui paraît par ailleurs peu compris de la masse ? Comment penser la fonction de l’art ?
Nous nous efforcerons de montrer que l’art ne peut être considéré comme supérieur à la technique, sauf à inverser un ordre de priorités qui ne respecte pas le cycle naturel des besoins humains. Cependant, il nous faudra constater que cette perception de l’existence humaine est fondamentalement restrictive et pauvre, et assimile l’intérêt de la vie à une opération technique bornée aux finalités naturelles, ce qui n’est par ailleurs pas évident du tout. Dès lors, nous en viendrons à montrer que la supériorité technique n’est qu’une supériorité instrumentale, qui ne dépend pas seulement d’un choix de confort, mais également d’une illusion quant au sens de la vie même.
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