L’État peut-il être juste ?

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L'analyse du professeur


Si nous définissons l’État comme une institution politique qui a pour but d’organiser la vie en société au moyen de lois, et si nous prenons en compte le fait que l’État doit pour cela chercher à rendre les comportements individuels compatibles entre eux, il apparaît que la finalité politique de l’État est bien la justice. Toutefois, de quelle justice s’agit-il ? Faut-il penser que l’objectif de rendre les comportements individuels compatibles entre eux est à l’origine d’une distinction entre justice politique et justice morale ? Le problème qui se pose ici est de savoir si l’État peut être juste en se contentant d’édicter des lois qui fixe la norme des comportements individuels et définissent ainsi la légalité. Ne faudrait-il pas viser, au-delà de cette justice politique des lois, une justice morale qui conduise chaque citoyen à juger que l’État est pleinement légitime ? Bref, suffit-il à une loi d’être décidée par l’État pour qu’elle apparaisse comme juste ? Le problème est d’autant plus fort qu’il semble illusoire d’ espérer une adéquation entre justice politique et justice morale dans une ère démocratique contemporaine dans laquelle les critères moraux de chacun semblent éminemment variables selon les façons de penser des individus ? Comment alors atteindre une justice simplement politique, si cette justice n’est pas reconnue par les individus ? Ce sujet affronte donc le paradoxe selon lequel l’État semble ne pas pouvoir se dispenser de prôner une conception de la justice pour justifier son rôle auprès de chacun, tout en ne pouvant jamais vraiment atteindre un tel idéal du fait du pluralisme des points de vue moraux (chacun possédant un avis potentiellement différent sur ce qui est juste).

[...]

Plan proposé

Partie 1

a

Il découle de la définition de l’État qu’il peut être juste dans la mesure où sa fonction est bien d’arbitrer les conflits entre les individus parce que ces individus se sont rendu compte qu’ils ne pouvaient par eux-mêmes faire cesser la violence de leurs conflits.

b

Dès lors, l’État se doit d’être juste, ce qui n’est d’ailleurs possible que s’il apparaît comme neutre à l’égard des individus dans sa façon d’imposer des normes. En ce sens, ne peut être juste qu’un État de droit dans lequel les lois ont pour fonction de protéger l’intérêt de tous de façon identique,

c

ce qui suppose le fait d’assigner tous les individus aux mêmes lois sans que ne soient pris en compte les choix conception individuelles de la justice.

Partie 2

a

Néanmoins, cet idéal de justice apparaît comme fragile. Chaque individu possède en effet un sens moral de la justice qui, bien souvent, se heurte à la justice légale et conduit l’individu à contester la légitimité de la légalité.

b

Dès lors, l’État ne pourrait, par principe, être juste, puisqu’il ne peut établir ses lois de façon purement consensuelle et se trouve dans l’obligation de décider de lois qui peuvent certes correspondre à la majorité, mais ne correspondent pas nécessairement à tous.

c

Plus profondément, la question qui se pose alors est celle de savoir s’il n’est pas du devoir de l’État d’être aveugle à la justice morale de chacun, afin d’affirmer l’indépendance de sa force légale.

Partie 3

a

Dès lors, si l’État peut être juste, ce n’est qu’en trouvant les moyens de justifier publiquement sa conception de la justice, en fournissant à chacun les moyens rationnels de comprendre que le sens moral individuel du juste n’est qu’une vision partielle,

b

qui doit s’intégrer à une conception politique globale, quitte à se modifier, voire à se transformer radicalement, ce qui oblige l’individu au dépassement de son sens moral subjectif.

c

À cet égard, il convient de penser que l’État ne peut être juste qu’à la condition paradoxale d’apparaître injuste au yeux de celui qui ne se fie qu’à sa propre justice, afin de l’obliger à transformer ses propres critères de justice.