Kant, intro. critique de la raison pure (extrait)

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L'analyse du professeur


Comprendre la façon dont l’homme en vient à se forger des idées des choses et une représentation du monde dans lequel il vit, est en quelque sorte le point de départ de la philosophie. S’il revient à Leibniz d’avoir posé la question « pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien ? », dans sa Philosophie de la nature et de la grâce, cette question n’est qu’une manière de poser à nouveau la question fondamentale qui séparait Héraclite et Parménide au sujet de la nature de l’être et du non-être. La tâche de la plupart des systèmes philosophiques est ainsi de savoir comment expliquer notre compréhension du monde, et plus particulièrement le rapport entre les sensations que nous en avons et les idées que nous nous en faisons.
Dans le texte qui est ici soumis à notre étude, extrait de l’introduction de la Critique de la raison pure, Kant défend la thèse selon laquelle l’intellection de l’esprit est conditionnée par la donation d’un phénomène, et ne peut connaître qu’à la faveur d’une intuition sensible première. L’entendement fournit donc la forme du fond qu’il ne crée pas, ce qui suppose néanmoins que la pensée est autonome et active, c’est-à-dire possède uns spécificité par rapport à l’esprit.
Nous nous attacherons à comprendre ce texte en remarquant tout d’abord que Kant s’efforce d’abord d’expliquer le rapport entre notre sensibilité et le monde par la présence d’une donation de phénomènes sensoriels. Nous analyserons ensuite la façon dont l’entendement peut alors se comprendre comme un pouvoir de traitement des informations sensorielles.

(...)

Plan proposé

Partie 1 : Notre sensibilité et le monde : la donation des phénomènes sensoriels

a

« Notre nature est telle que l'intuition ne peut jamais être que sensible »
Kant veut signifier ici que l’homme est composé d’un corps et d’un esprit, qui prend conscience du monde qui l’entoure en fonction des informations que lui fournissent ses organes et qu’il traite au moyen de sa pensée. Le problème qui se pose ici est celui de savoir pour quelle raison il ne serait pas possible d’avoir d’autres intuitions que sensibles : ne peut-on concevoir des intuitions intellectuelles ? Le raisonnement de Kant présuppose une anthropologie expliquant le lien entre le corps et l’esprit.

b

« c'est-à-dire contient seulement la manière dont nous sommes affectés par des objets. »
La précision que fournit ici Kant porte sur le mécanisme de perception des informations sensorielles. Il faut comprendre que le corps reçoit de façon passive des sollicitations sensorielles, qu’il doit alors traiter et traduire en représentations exprimées par des idées.

c

« Sans la sensibilité, nul objet ne nous serait donné » ;
Kant insiste ici sur le fait qu’il faut faire une différence entre la donation de l’objet et son traitement pas l’esprit. En l’occurrence, l’objet est donné par les sensations que le sujet reçoit : il y a donc une manifestation phénoménale première, des phénomènes sentis, qui sont le point de départ du rapport de l’homme au monde.

Partie 2 : L’entendement comme un pouvoir de traitement des informations sensorielles.

a

« sans l'entendement, nul ne serait pensé ».
Réciproquement, l’entendement doit ensuite analyser la donation sensible, ce qui suppose qu’il soit apte à interpréter ce message sensoriel pour le penser. À la passivité première de la sensation répond donc une activité de l’esprit qui « entend », c’est-à-dire qui comprend sous la forme de concepts les objets qui lui sont donnés de façon phénoménale.

b

« Des pensées sans contenu sont vides; »
La sensation est donc le contenu des pensées, ce qui suppose que le donné intuitif sensoriel est comme un fond qui est informé par les organes sensoriels et se prête à la forme de l’interprétation des catégories de l’entendement. Cette forme ne serait donc que vide sans ce contenu, ce qui ne veut pas dire que la forme n’existe pas par elle-même, mais qu’elle ne révèle rien de la réalité objective sans donation des phénomènes sensoriels.

c

« des intuitions sans concepts sont aveugles »
Les intuitions sont le nom que donne Kant au flux des phénomènes qui sert de base à la perception sensorielle. Ces intuitions son aveugles dans la mesure où elles ne parviennent pas à la conscience directement, mais sont de purs messages nerveux qu’il faut encore analyser et éclairer par le travail de l’entendement. La claire conscience intellectuelle des choses est donc obtenue par la médiation du travail de l’entendement, ce qui revient à dénier toute intuition intellectuelle directe.