Kant, critique de la raison pure, préface (extrait)

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L'analyse du professeur


Hume disait que l’expérience quotidienne du lever du soleil ne garantit en rien que le soleil continuera à se lever à l’avenir. Volontiers provocatrice, cette formule n’a pas tant pour but de dire que toute connaissance est impossible, mais elle tend à relativiser le pouvoir de la raison en matière de vérité immuable, tout en soulignant la nécessité de dialogue avec l’expérience sensible, pour comprendre de quelle manière une connaissance peut accéder au rang de vérité.
C’est d’une certaine manière cette question qu’aborde le texte, en montrant posant le problème de savoir comment la raison peut construire une connaissance vraie et stable, sans imposer au réel des idées abstraites et sans lien direct avec lui, et sans se laisser à l’inverse berner par l’apparent hasard qui traverse le monde physique. La thèse que défend ce texte est en ce sens dualiste : elle montre qu’il dépend du pouvoir de la raison de produire une grille d’analyse à laquelle elle assigne le monde sensible, sans pour autant que ce monde se soumette entièrement, puisqu’il est à l’inverse nécessaire que le réel instruise le procès conceptuel de la raison. Cette autonomie de la raison semble donc particulièrement problématique, puisqu’elle suppose que le réel soit adéquat dans sa forme aux lois de l’esprit. Nous chercherons donc à saisir en quoi ce texte parvient à rendre adéquates les deux formes du sensible et de l’intelligible.
Nous verrons tout d‘abord que tout connaissance suppose une instance à partir de laquelle elle est produite, ce qui revient à dire que la raison doit être hypothétiquement première, et qu’il faut supposer son travail préalable pour expliquer que l’homme parvienne à posséder des connaissances réelles. Nous nous attacherons néanmoins à montrer que ce point de vue n’exclue pas du tout la réalité de l’apport sensible, ce qui revient à dire que la raison a besoin de la matière du monde réel pour forger ses connaissances. Dès lors, nous achèverons notre explication en comprenant de quelle manière se donne à penser une certaine forme de réciprocité entre la raison et le réel, réciprocité toutefois biaisée, au sens où c’est la raison qui est maître et juge du jeu de construction des connaissances.
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