John Locke, Le Second Traité du gouvernement (1690), chap. 9, § 131

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L'analyse du professeur


« L’homme gagne par la liberté civile la garantie de tout ce qu’il possède ». Issue du Contrat Social de Rousseau, cette phrase aurait tout aussi bien pu être signée par l’auteur du Second traité du gouvernement civil, dans la mesure où il se fait le défenseur d’une liberté fondamentale interprétée en termes de droit de propriété. Si l’intérêt n’est pas ici de comparer la liberté civile de Locke et de Rousseau (qui ne visent pas un même sens de la propriété), il reste remarquable de constater que tous les théoriciens du contrat social se rejoignent sur le fait que le bien commun ne peut exister qu’à partir du moment où un système juridique garantit la répartition des biens particuliers, et assure ainsi une justice sociale.
Dans le texte ici soumis à notre étude, Locke pose le problème de la justice de l’état civil. Il confronte son lecteur au paradoxe selon lequel le passage à une existence sociale implique de renoncer à sa liberté naturelle pour accepter de vivre avec les autres et de se soumettre à une loi qui n’est plus simplement celle de son bon plaisir. Cet acte de soumission volontaire semble se traduire immanquablement par la perte d’une liberté, perte ainsi absurde dans la mesure où elle semble indiquer qu’aucun individu ne peut rationnellement accepter un tel sacrifice. Pourtant Locke met clairement en évidence qu’il rationnel d’un point de vue individuel de souhaiter l’état civil, pour peu que cet état soit défini comme un état de droit garantissant à chacun la disposition d’une liberté maximale compatible avec celle des autres, c’est-à-dire dans les limites d’un bien commun.
Nous chercherons ainsi à saisir comment se justifie individuellement et collectivement le transfert d’un pouvoir exécutif sous la forme d’un pouvoir législatif. Puis nous montrerons que ce pouvoir législatif est un pouvoir garantissant le bien public en tant que droit d’accès aux moyens de sa satisfaction (doit de propriété et garantie de cette propriété). Enfin, nous en viendrons à comprendre que le pouvoir de l’État n’a qu’une seule finalité : le respect de l’ordre et de la paix.
(...)