Emile Benveniste, Problèmes de linguistique générale, vol.1, chap V « communication animale et langage humain »

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L'analyse du professeur


Cratyle et Hermogène sont symboliquement les deux premiers protagonistes philosophiques de la question philosophique du langage : Platon les met en effet en scène pour montrer à quel point la capacité à dire vrai dépend d’une opération complexe d’interprétation, dont la réussite dépend à la fois de ce qui est signifié (le référent objectif auquel renvoie le mot) et de la manière de le signifier (le mot en lui-même, tel qu’il est plus ou moins clair pour celui qui doit le décoder). En ce sens, la philosophie du langage s’est développée comme une tentative d’analyse des propriétés de la formulation d’une signification qui ne semble jamais évidente pour l’homme.
Dans le texte qui est ici soumis à notre étude se trouve plus particulièrement problématisé le rapport entre signifiant et signifié, entre le mot et la chose, et la thèse défendue consiste à montrer que le langage humain, à la différence de celui des animaux, est un acte complexe, ouvert aux interprétations, dont le symbolisme doit être envisagé comme une construction dialogique. Tout le problème devient alors de savoir dans quelle mesure cette complexité est un réel facteur de richesse, et non simplement un problème indépassable, condamnant toute compréhension fiable.
Nous chercherons en ce sens tout d’abord à comprendre pour quelles raisons la communication animale peut être définie comme une communication objective. Nous en viendrons ensuite à montrer qu’à l’inverse le dialogue est le propre de l’homme, et dépend des sujets qu’il réunit. Nous montrerons enfin qu’il faut considérer que le langage de l’homme est un langage symbolique infini, qu’il n’est jamais possible de réduire à une expression simple.
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