Descartes, Discours de la méthode (extrait 1)

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L'analyse du professeur


Descartes défend ici la thèse selon laquelle l’homme est un animal doué de raison, c’est-à-dire est doté d’une âme et pas simplement d’un corps. Il n’y a en effet pas selon lui une simple différence de degré entre l’homme et les autres animaux, mais une véritable différence de nature : le fait que l’homme est capable d’organiser de façon intelligente sa parole dénote en effet une maîtrise logique de la signification qui ne peut être ramenée au simple pouvoir de prononcer des mots, comme certains animaux peuvent le faire.
Ce texte répond à la question de savoir ce qui fait la définition de l’homme, et plus particulièrement au problème de savoir pourquoi il est impossible d’attribuer une dignité aux animaux identique à celle des hommes, bien que certains animaux semblent manifester des propriétés identiques aux hommes, et que les hommes peuvent être en apparence réduits, par leurs corps, à des propriétés purement animales.

(...)

Plan proposé

Les étapes de l'argumentation de Descartes

Ligne 1 à 6 : l’homme a la capacité d’organiser de façon intelligente son discours.
Ligne 6 à 12 : les organes corporels ne suffisent pas à expliquer la formulation d’une pensée intelligente, puisque les animaux dotés d’organes en sont incapables, alors que même les hommes privés des organes de la parole arrivent à inventer un langage sensé.
Ligne 12 à 18 : la capacité à donner un sens intelligent à un langage permet de conclure qu’il y a une différence de nature (d’essence) et non pas simplement de degré (de développement) entre les hommes et les animaux.
Ligne 18 à 23 : le langage des animaux doit être considéré comme un mouvement mécanique analogue à celui des machines, et il est impossible de prétendre que l’homme n’entend pas certains sons produits par les animaux, dans la mesure où ils sont dotés d’organes similaires.

"proférer des paroles"/ "Parler ainsi que nous"

La différence entre ces deux formules tient à la différence de définition entre proférer et parler. Le premier verbe renvoie à une capacité à prononcer des sons à voix haute, à les articuler, ce qui désigne un mouvement mécanique pur, comme celui d’un instrument de musique. Peu importe ce que l’on profère : cela peut-être des bruits, des sons, des paroles : le verbe désigne le cri et non le contenu de ce cri. En revanche parler indique non seulement la forme (le fait de produire des sons audibles), mais aussi le contenu (le fait de dire des mots qui ont un sens).

" Et ceci ne témoigne pas seulement ( ...) du tout"

Descartes veut ici signifier que la raison ne peut être une faculté simplement animale. En d’autres termes, comme l’animal se définit par des propriétés strictement corporelles (des organes), il faut ici considérer que la raison appartient à une autre nature ou essence, que n’ont pas les animaux en partage, ce que Descartes appelle l’âme pour l’homme.

Quelle conception cartésienne du langage retenir de cet extrait ?

Le langage recoupe deux formes de capacités : d’une part celle à prononcer des mots, c’est-à-dire à proférer des sons, et d’autre part (et surtout) celle à donner un sens à ces mots. Le langage se distingue donc des cris mécaniques par ce dernier aspect : il est donc un pouvoir de signifier de la pensée, et il ne peut exister sans supposer que ces mots sont en fait des sons qui traduisent de façon sensorielle un pensée qui elle est immatérielle et appartient à l’âme. Le langage pour Descartes est donc l’expression sonore de la pensée.