Comment faire de la prévention sans répression ?

Partager sur Facebook Partager sur Twitter


L'analyse du professeur


« Mieux vaut prévenir que guérir » : l’adage galvaudé est plus surprenant qu’il n’y paraît. Il recommande en effet de prendre des précautions afin de ne pas avoir à faire face aux effets pervers d’une décision. Toutefois, rien n’est parfaitement prévisible, dans la mesure où il est évident, au moins depuis les stoïciens (Épictète), que « tout ne dépend pas de nous ». Par ailleurs, ce qui peut m’apparaître comme bon ne l’est pas nécessairement pour autrui, et tout dépend de la façon dont les conséquences de mon action affectent autrui, et de qui j’ai l’intention de protéger. Paradoxalement, la possibilité de prévenir dépend donc partiellement de la connaissance effective de mes erreurs, ce qui semble condamner toute prévention parfaite avant d’avoir fait l’expérience de ses propres erreurs.
Au regard de la difficile évaluation des conséquences d’une action, se demander comment il est possible de faire de la prévention sans répression n’est pas dépourvu d’intérêt, particulièrement dans le monde de l’entreprise. Il semble en effet que l’entreprise s’offre comme un lieu privilégié de compréhension du rapport entre prévention et répression, dans la mesure où une entreprise est en quelque sorte une organisation paradoxale : d’une part, elle ne peut se passer de règles de fonctionnement qui encadrent la coopération de l’ensemble de ses employés afin que soit rationalisée son fonctionnement, mais d’autre part, il apparaît réciproquement que ces règles ne peuvent être perçues comme trop autoritaires ou directives, le risque étant alors de briser l’innovation et la créativité des acteurs de l’entreprise au point de réduire le capital humain à un main d’œuvre purement instrumentalisée. Le problème posé par ce sujet est alors double : peut-on légitimer un critère a priori de prévention sans le fonder sur l’expérience des erreurs de l’action et des possibilités de répression qu’elles permettent de concevoir, et peut-on espérer que la répression soit par elle-même suffisante et adéquate pour dissuader d’une action et permettre de fonder un consensus opératoire et optimal entre les parties prenantes ? Le paradoxe est patent : la répression cadre autant qu’elle castre, mais la prévention ne semble pouvoir se dispenser d’une répression, notamment au regard de la nécessité de direction propre à la rationalité d’entreprise.
Nous chercherons tout d’abord à montrer que la prévention semble par définition antithétique de la répression. Mais nous en viendrons à creuser les limites d’une telle conception, tant la prévention semble participer d’une appréhension trop souple pour limiter efficacement les dangers de la liberté qu’elle laisse. Il nous faudra alors dépasser le paradoxe de l’efficacité de la répression, en montrant qu’il n’est envisageable de s’en affranchir qu’à la condition de repenser les modalités de la décision.
(...)