Boèce, La consolation de la philosophie, chap. 3

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L'analyse du professeur


Malgré la sécularisation des sociétés contemporaines, la question du religieux ne cesse pas de préoccuper les citoyens, ne serait-ce que parce que, comme a pu le remarquer Max Weber dans Le savant et le politique, une possible « guerre des dieux » pointe à l’horizon de sociétés « désenchantées » dans lesquelles les repères moraux ont tendance à devenir moins cardinaux et plus relatifs. L’intérêt d’un retour à la pensée théologique, et à la manière dont cette pensée abordait le lien entre vérité céleste et vérité terrestre, est en ce sens important.


C’est d’une certaine manière la question qu’aborde le texte de Boèce soumis à notre étude. Le livre présente une définition du faux bonheur qui se trouve assimilé à la recherche de plaisirs terrestres. Boèce reprend à son compte un débat antique portant sur la nature du désir, et sur son impact sur l’éthique de la vie humaine. Ce débat est notamment incarné par l’opposition des conceptions stoïcienne et épicurienne. Selon la première, le bonheur est le renoncement à tout ce qui ne dépend pas de nous, y compris les choses qui peuvent nous rapporter du plaisir, dans la mesure où ces choses développent une dépendance à l’égard de ce qui n’est pas contrôlable (Manuel d’Épictète) alors que pour la seconde, le bonheur revient à ne vouloir que les désirs naturels, en se méfiant des plaisirs artificiels et non nécessaires (Lettre à Ménécée, Épicure). Le faux bonheur serait le fait de vouloir les choses matérielles, c’est-à-dire n’accorder d’importance qu’aux choses qui satisfont le corps, et non celles qui satisfont l’âme.


Nous nous efforcerons de montrer que la conception de Boèce peut se comprendre comme une relecture de la conception platonicienne du bien et du vrai. Cette relecture est néanmoins une réinterprétation qui donne plus de poids au désir que ne le fait Augustin à la même époque, en séparant plus radicalement la cité terrestre de la cité céleste.

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