Aristote, Le bonheur n'est pas l'amusement

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L'analyse du professeur


De 68 à nos jours, les formules « décrétons l’état de bonheur permanent », ou « ne pas perdre sa vie à la gagner » ont fait fortune. Souvent répétées, elles semblent en appeler à un droit à l’oisiveté implicitement lié au plaisir et au bonheur, alors qu’inversement le travail serait vu comme une aliénation confinant l’individu à une exploitation de son corps allant de paire avec l’abrutissement de son esprit.
Faut-il nécessairement dissocier le plaisir du travail, et l’associer à la futilité et à la légèreté ? Si cette thèse semble de prime abord entraîner l’adhésion de l’opinion, à bien y réfléchir, elle semble paradoxale, puisqu’elle identifie le bonheur et une satisfaction intense et durable, à un état changeant, où l’individu ne vit aucune contrainte et butine les plaisirs de sa vie. C’est à un tel paradoxe qu’invite à réfléchir Aristote, dans le texte qui est ici soumis à notre étude, puisqu’il défend la thèse selon laquelle l’atteinte du bonheur est indissociable d’un effort réitéré pour atteindre la vertu. Ce texte pose alors inversement le paradoxe d’un bonheur qui se trouverait dans une culture de l’effort, et dans la pratique de règles contraignantes, fussent-elles des règles choisies librement.
Nous nous efforcerons de montrer, dans un premier temps, que le raisonnement d’Aristote se fonde sur l’absurdité d’une théorie qui prônerait le bonheur comme finalité particulière, par exemple liée à l’exercice d’un travail. Il nous sera alors possible de prendre la mesure de la distinction qu’opère Aristote, dans un second temps, entre l’amusement particulier et le bonheur fondamental. La compréhension de cette distinction nous engagera alors à réfléchir à la façon dont le dernier temps du texte parvient à défendre une certaine idée de la vertu.
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