Aristote, Ethique à Nicomaque, Livre V, chap. 7

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L'analyse du professeur


« Pourquoi ces choses et non pas d’autres ? […] Qui les a fixées sur ma tête ? » : cris du cœur de Figaro, extraits du célébrissime monologue de l’Acte V scène 3 du Mariage de Figaro, ces phrases résonnent encore aujourd’hui, tant elles marquent l’exigence de justice constitutive de notre époque démocratique contemporaine. Plus généralement, elles définissent inconditionnellement la justice comme un certain rapport d’égalité dans les chances, c’est-à-dire moins comme une égalité stricte des résultats qu’une chance égale de faire valoir ses mérites, afin que le plus talentueux bénéficie des fruits de ses efforts.
Se pose alors ici le problème de la justice et de sa définition. Beaumarchais, comme Aristote à cet égard, dans le texte qui est ici soumis à notre étude, pose le problème de savoir ce qui est juste, et paraît éviter une réponse égalitariste stricte, puisqu’il met en lumière le mérite individuel, et en appelle plutôt à une justice qui dépend de la nature et des efforts de chacun. À ce sujet, Aristote distingue plus largement deux significations de la justice : distributive ou géométrique, et correctrice ou arithmétique, en montrant que si la première n’est effectivement pas une question d’égalité stricte ou quantitative, puisqu’elle rend à chacun ce qui lui appartient et qu’il mérite, la seconde en revanche a pour but de réparer les torts au moyen d’une égalité quantitative. Néanmoins, si cette définition semble très claire théoriquement, elle pose le problème pratique de l’exécution de la justice : est-il si évident d’articuler ce qui revient à chacun, en évitant l’inégale distribution qui pourrait être perçue comme un tort subi ? Se pose ici le problème de l’articulation des deux critères de la justice.
Nous nous attacherons tout d’abord à comprendre le premier sens de la justice, comme justice distributive proportionnelle. Nous ferons ensuite le même effort d’analyse au sujet de la justice correctrice, afin de saisir de quelle manière ce critère peut se démarquer spécifiquement du premier. Nous en viendrons alors enfin à envisager l’articulation pratique de deux justices, afin de comprendre en quoi le rôle du juge devient essentiel pour maintenir une distinction parfois fragile.
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