Annales BAC 2017 - Tout ce que j’ai le droit de faire est-il juste ?

Partager sur Facebook Partager sur Twitter


L'analyse du professeur


Le procès d’Eichmann à Jérusalem en 1961 est resté célèbre à plusieurs titres, dont l’illustration d’un devoir aveugle d’obéissance légale dont n’a cessé de se réclamer ce fonctionnaire nazi chargé de la logistique de la solution finale, alors même qu’il œuvrait à un des plus terribles génocides de l’histoire de l’humanité. Dans cet exemple, la question de la légitimité de la loi apparaît comme doublement problématique : le respect de la loi est en tension avec les convictions morales humanistes comme avec ce qui est, au moins depuis la déclaration universelle de 1948, reconnu comme des droits universels de l’humanité.


Le sujet « tout ce que j’ai le droit de faire est-il juste ? » semble ne faire qu’accentuer ce problème, dans la mesure où la loi semble souffrir nécessairement d’une tension entre ce qui est bon pour tous et ce qui est juste pour chacun. Autrement dit, la loi est nécessaire à toute vie en société puisque les individus en ont besoin pour pouvoir s’organiser et se référer à des principes de vie commune connus de tous. Cependant, les lois résultent d’une conception du bien commun qui opère nécessairement une limitation réciproque des biens particuliers. En ce sens, la loi est générale et est censée valoir pour tous sans prendre en compte les différents motifs qui peuvent pousser les hommes à agir de façon divergente. Dès lors, la loi fait comme si tous les hommes étaient les mêmes et suppose, pour être légitime, la possibilité de dépasser les raisons individuelles des comportements et les conceptions particulières du bonheur, par une conception valable pour tous. Rien cependant n’assure que la manière dont la loi dépasse les convictions morales est en soi juste, et ne peut conduire aux abominations dont le cas d’Eichmann semble porteur. Le problème de ce sujet est donc de dépasser le paradoxe entre la nécessité sociale de la loi (il faut des lois pour s’organiser) et l’imperfection propre à toute loi (le fossé entre sa vocation universelle et son application particulière). Ne peut-on espérer voir ce paradoxe se résoudre ? Faut-il considérer que la loi est toujours prise en défaut ? Ne peut-on penser que, de la théorie à la pratique, de la lettre à l’esprit, le juge ne peut infléchir la rigidité et la généralité de la loi ?


Nous chercherons ainsi tout d’abord à défendre la thèse de la légitimité nécessaire et fondamentale de la loi, devant laquelle les options morales individuelles ou particulières doivent se plier. Nous en viendrons toutefois à remarquer que cette légitimation est problématique et dangereuse, puisque la loi ne peut par elle-même être infaillible. Il nous faudra alors tenter de réfléchir aux moyens de contrôler l’application de la loi afin de minimiser les risques de tels écarts.

(...)