Annales BAC 2017 - Peut-on se libérer de sa culture ?

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L'analyse du professeur


Dans « Comment peut-on être persan ? », une des Lettres persanes, Montesquieu met en scène un persan à Paris, et montre à quel point son accoutrement suscite la curiosité des parisiens. Pourtant, lorsque cet individu choisit de s’habiller comme un parisien, les regards se détournent de lui et il devient banal. Ce choix semble indiquer que l’identité d’un homme dépend de son apparence. Pourtant, cela ne modifie pas le jugement de ce persan, qui continue à ne pas comprendre l’attitude des parisiens. Il semble qu’il y ait quelque chose d’irréconciliable entre les deux cultures et les deux modes de penser inhérents à ces cultures.

Cet exemple invite à se demander s’il est possible de se libérer de sa culture. Si l’on définit la culture comme un ensemble de valeurs, de pratiques et de connaissances qui forgent l’identité historique d’un homme et d’un groupe, il paraît difficile de se libérer de cette culture, c’est-à-dire de se détacher des points de repères qui nous ont forgés au cours de notre vécu. Pourtant, l’effectivité d’une acculturation, que l’on peut notamment observer dans la manière dont certaines populations immigrées s’intègrent à de nouveaux pays et de nouvelles cultures, montre qu’il est possible de se déraciner et de s’affranchir des liens culturels qui pourtant pouvaient apparaître comme indéfectibles et ancrés dans une conscience de soi ou un inconscient impossibles à dépasser. Le problème qui se trouve ici posé est celui de l’identité personnelle, et plus précisément celui de comprendre en quoi la formation de la conscience de soi, qui semble une capacité ou une puissance inscrite dans l’individu indépendamment de son histoire, se trouve également et paradoxalement déterminée par cette histoire, et ne s’actualise et ne prend forme que dans de telles déterminations historiques et culturelles particulières.

Nous chercherons en ce sens d’abord à montrer que la culture est le fondement de l’identité et qu’il paraît difficile de s’en libérer. Nous en viendrons toutefois ensuite à constater que la force de l’habitude n’est que circonstancielle et qu’il paraît toujours possible de lutter contre une culture qui nous détermine et nous aliène. Nous constaterons enfin que cette capacité à s’affranchir de sa culture pose un problème moral profond selon lequel la possibilité de cette libération ne vaut pas nécessairement autorisation parce qu’un individu a peut-être le devoir de conserver la culture qui lui confère son être et sa conscience.

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