Annales BAC 2009 - Que gagne-t-on à échanger ?

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L'analyse du professeur


Dans le conte populaire allemand, Faust choisit d’échanger son âme contre une seconde vie. Peu conscient des enjeux derniers de son échange, Faust apparaît comme celui qui commet une erreur fatale de jugement, puisqu’il échange un bien métaphysique (son âme) avec un bien physique (le renouvellement de sa vie terrestre). Faust aurait-il pu éviter cette erreur de jugement ? Comment se serait-il comporté s’il avait pu savoir ?

L’acte d’échanger apparaît ainsi comme éminemment fragile, puisqu’il dépend de la pertinence du jugement de celui qui va prendre la décision d’échanger. Aussi, se demander : « que gagne-t-on à échanger ? » semble-t-il crucial, dès l’instant où l’échange est un des actes déterminants par lequel un individu entre en relation avec autrui. En ce sens, si l’échange est la procédure par laquelle une relation de communication bilatérale se réalise par l’intermédiaire d’un transfert réciproque de choses, il paraît découler de la nature de la réciprocité que les choses échangées sont équivalentes, et que la possibilité de « gagner », c’est-à-dire d’améliorer sa situation initiale, n’existe pas vraiment. Pourtant, et paradoxalement, l’échange ne cesse pas d’être perçu comme le moyen de l’enrichissement personnel, aux plans matériel comme spirituel, à tel point qu’il paraît indéniable de supposer qu’une chose se trouve nécessairement gagnée par celui qui échange.

Nous chercherons tout d’abord à montrer que l’échange ne peut être par définition quelque chose de rentable, puisqu’il suppose que chacun des membres de sa réalisation considère ce qu’il échange comme équivalent à ce qu’il reçoit en retour. Nous en viendrons toutefois à constater que l’échange reste perçu de façon subjective comme un acte utile et intéressant, ce qui revient alors à en définir les critères de rentabilité. En ce sens, nous nous efforcerons enfin de montrer que la rentabilité subjective de l’échange, articulée à la neutralité objective, conduit en fait à dénaturer cette neutralité objective pour faire de l’acte d’échange un acte profitable mais dangereux.

(...)

Plan proposé

Partie 1 : L’échange, un jeu à somme nulle.

a

L’échange est un acte par lequel deux individus acceptent de se céder à chacun et à condition de réciprocité une chose qui est en leur possession. L’échange est donc une mise en relation volontaire de la part de chacun des échangistes.

b

Cette acceptation volontaire de l’échange manifeste la neutralité absolue de la relation d’échange, puisque chacun considère justement que ce qu’il échange est équivalent à ce qu’il accepte en retour.

c

Quand bien même ponctuellement un individu peut considérer qu’il a donné plus que ce qu’il a reçu, il faut en fait comprendre ce déséquilibre apparent comme le résultat de ce qu’il lui a semblé juste d’accepter à un moment donné (en acceptant par exemple de baisser ses attentes par amitié, amour, empathie, compréhension de l’autre etc.).

Partie 2 : L’échange, un jeu doublement gagnant.

a

L’existence de l’acte d’échange montre toutefois que cet acte a un sens pour chacun de celui qui l’effectue. Qu’il soit spirituel ou matériel, l’échange est un acte décidé parce qu’il convient à chacune des parties acceptant d’échanger.

b

Dès lors, chacun gagne quelque chose à échanger, puisqu’il trouve dans le fait d’obtenir une nouvelle chose, une satisfaction subjective supérieure au fait de conserver ce qu’il a échangé. L’échange est donc un gain pour chacun des acteurs.

c

Ce gain n’est d’ailleurs pas seulement purement subjectif, mais est également objectif, puisqu’il permet de compléter une chose qui manquait. Le fait d’accepter l’échange, c’est donc non seulement atteindre une satisfaction subjective, mais également et surtout améliorer objectivement sa propre situation.

Partie 3 : L’échange, un gagnant et un perdant.

a

Il se peut alors que l’échange ne soit pas nécessairement à la hauteur des attentes. Quand bien même la relation d’échange se déroule selon les modalités acceptées de chacun, rien n’empêche en effet un des échangeurs de se retrouver moins satisfait qu’il aspirait à l’être, parce que son jugement sur ce qu’il a échangé était erroné.

b

Par ailleurs, rien ne garantit sur le fond et de façon parfaite que tous les membres de l’échange sont de bonne foi. Il se peut que l’échange tourne à la tromperie et à la défaveur d’une personne, ce qui revient alors à constater que l’échange est un procédé risqué.

c

Dès lors, l’échange apparaît bien comme un acte tout autant susceptible de gains améliorant la condition de celui qui l’accepte que de pertes pour cette même personne, gains et pertes n’étant alors que les deux faces d’une même réalité : l’échange est un jeu dans lequel les hommes cherchent de façon contradictoire à satisfaire leurs intérêts égoïstes.