Annales BAC 2009 - Est-il absurde de désirer l’impossible ?

Partager sur Facebook Partager sur Twitter


L'analyse du professeur


« Soyons réalistes, demandons l’impossible » : le slogan a, depuis 1968, traversé les décennies et est devenu, comble de l’ironie du sort, une forme de boutade commerciale ornant les t-shirts que vendent les magasins de souvenirs de Montmartre. Pourtant, la blague avait, sous forme d’oxymore, pour but de faire un pari : redonner à l’utopie une valeur politique, et faire en sorte de manifester l’exigence morale ultime constitutive de toute existence sociale : l’amélioration du sort de chacun.

Considéré sous cette forme, « désirer l’impossible » n’est peut-être pas totalement absurde. Si en effet, à proprement parler, désirer l’impossible semble relever du pari fondamentalement absurde, puisqu’il s’agirait alors de s’attacher à vouloir une chose dont un sait pertinemment qu’elle ne peut advenir, peut-être qu’une telle vision des choses est trop restrictive, puisqu’elle se polarise uniquement sur l’objet du souhait (l’impossible) sans prendre en compte le chemin de sa réalisation (ce que permet de faire une motivation utopique). Désirer l’impossible semble donc une formule qui n’est pas seulement paradoxale dans sa forme, puisque, sur le fond, le désir de l’impossible peut correspondre à un dépassement de soi et à une motivation qui grandit celui qui la formule.

Nous nous attacherons ainsi tout d’abord à montrer que désirer l’impossible ne semble pas avoir de sens pour celui qui s’attache à vouloir atteindre ce qu’il ne peut. Nous montrerons ensuite que le désir de l’impossible a toutefois un sens souhaitable, si tant est que celui qui formule le désir est averti de l’utopie de son désir. Nous en viendrons alors enfin à constater que le désir de l’impossible est une motivation existentielle qui permet de modifier sa vision du réel, afin de ne pas se laisser emprisonner dans des alternatives restreintes.
(...)