Annales BAC 2008- Peut-on désirer sans souffrir ?

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L'analyse du professeur


Le romantisme littéraire est souvent connu par les figures du désir qu’il a su mettre en valeur. De Faust au « desdichado », le désir semble ici marqué par la souffrance et l’inquiétude, sans cesse traversé par le malaise, à tel point que le titre de Baudelaire, « les fleurs du mal » paraît caractériser une vérité humaine, au regard de laquelle le désir participe d’un manque qui est à la fois et paradoxalement à l’origine d’une souffrance et d’un plaisir.

Faut-il pourtant irréductiblement donner au désir cette caractéristique essentielle de souffrance ? La question se pose d’autant plus que le désir n’est pas nécessairement et généralement, en lui-même, désir de souffrance. Il correspond plutôt, semble-t-il, à une volonté d’un bien ou d’un mieux, qui pousse un individu à rechercher ce qui pourrait améliorer les conditions de son existence. Toutefois, comme le désir est un pari que fait un individu, qui cherche à améliorer les conditions de son existence, il reste que le risque l’habite, et que la souffrance est inhérente à l’incertitude de la réalisation des finalités du désir. Comment élucider ce paradoxe ? Faut-il croire que le plaisir du désir est intimement lié au manque que l’on cherche à satisfaire, ou peut-on comprendre exclusivement le désir en fonction de la fin du plaisir à laquelle il aspire ?

Nous nous attacherons d’abord à montrer que le désir exclut, dans ses caractéristiques fondamentales, la souffrance, puisque celui qui désire souhaite effectivement le bien de son existence (I). Nous en viendrons toutefois à mettre en cause cette dynamique de plaisir, en montrant que la réalisation pratique du désir implique toujours la conscience d’un manque, qui n’est pas seulement un mal nécessaire, mais apparaît également comme ce qui fait prendre conscience de la valeur de l’objet de désir (II). Ce constat nous conduira alors à nous interroger sur la part de la souffrance et du plaisir, pour en venir à penser que le désir est par lui-même un principe de souffrance que l’homme souhaite inconsciemment, parce que son plaisir vient du manque et non de la satisfaction de ce manque (III).
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