Annales BAC 2006 - Faut-il préférer le bonheur à la vérité ?

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L'analyse du professeur


L’adage « heureux les simples d’esprit » semble avertir celui qui l’entend que la connaissance correspond souvent à la perte d’une innocence. Se trouve ainsi placés en opposition le bien-être de celui qui ignore et les difficultés de celui qui sait. Ne faut-il en effet pas préférer une illusion sans repères ni connaissance du vrai, comme par exemple lorsqu’un médecin cache la vérité à un patient condamné par une maladie, plutôt que de savoir et désespérer devant une vérité qui affronte l’individu à une réalité inconfortable à laquelle il doit dès lors se confronter sans pouvoir la changer ?

La question « faut-il préférer le bonheur à la vérité ? » s’avère en ce sens très problématique puisqu’elle propose de voir les rapports entre bonheur et vérité sur le mode d’une contradiction qui ne va pas de soi. Peut-on en effet considérer qu’un état de bien-être durable de l’homme passe nécessairement par l’absence d’une adéquation entre ce qu’il pense et ce dont il a conscience d’une part, et ce qui est réel et existe objectivement d’autre part ? Une telle contradiction est problématique dans la mesure où elle suppose que l’analyse subjective de soi s’écarte par principe d’une évaluation objective et universalisable qui rende compte réellement de la situation d’un homme.

Il s’agira ainsi tout d’abord de comprendre en quel sens l’avis que peut émettre un homme sur lui-même peut s’écarter du vrai et conditionner le bonheur à un manque de sincérité et d’objectivité. Nous nous efforcerons toutefois de contester la pertinence d’un tel constat pour montrer que le bonheur dépend tout au contraire d’une lucidité existentielle qui ne passe pas tant pas le contentement béat que par l’honnêteté vis-à-vis de soi-même. Plus profondément enfin, nous tenterons de montrer que cette opposition entre bonheur et vérité est elle-même réductrice, puisque la vérité n’est, au yeux d’un individu, jamais une donnée objective que l’on préfèrerait au contentement, mais doit être plutôt vue comme une conviction subjective qui participe à la construction du bonheur.
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