Annales BAC 2005 - Le juste et l’injuste ne sont-ils que des conventions ?

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L'analyse du professeur


Le juste et l’injuste sont des jugement de valeurs qui dépendent de la possession d’un critère moral de jugement permettant d’évaluer des situations particulières en les comparant à une norme plus générale. La difficulté de ce sujet est de suggérer que cette norme est purement relative, c’est-à-dire que rien ne semble la fonder définitivement, et que les hommes ne peuvent lui donner un sens qu’en trouvant un accord fragile entre des points de vue divergents. Ce qui induit ce point de vue est un paradoxe. D’une part, il est évident que tout homme possède un jugement moral propre : il ressent ce qui est juste ou injuste, sans que le jugement qu’il formule soit nécessairement en adéquation avec celui de son voisin, ou avec celui des règles de droit. Il y a donc une relativité des critères de justice. D’autre part toutefois, il semble également évident que des intuitions générales, voire universelles, de justice se retrouve d’un homme à un autre. Peu de personnes contesteraient par exemple que la mort accidentelle d’un jeune enfant est injuste, ou que le fait de se faire voler le fruit de son travail est également injuste. En ce sens, les règles de droit sont souvent la traduction de ces règles morales unievrselles qui paraissent exister en chacun. Pourquoi alors parler de la relativité des critères de justice si de telles intuitions existent d’un individu à un autre ? Pourquoi, plus profondément, chaque individu a-t-il intuitivement le sentiment qu’il ne choisit pas ses critères de justice, mais qu’il les trouve en lui, à tel point qu’il sera très surpris que ce qu’il trouve juste apparaisse comme injuste aux yeux des autres ?

(...)

Plan proposé

Partie 1

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Le critère du juste et de l’injuste existe d’abord moralement, en tant que chacun évalue ce qui lui semble bien ou mal, mérité ou pas.

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Mais la particularité de cette évaluation morale est justement de ne pas apparaître purement relative à l’individu. Le sentiment de justice est un sentiment qui ne dépend pas de mon plaisir, me semble-t-il, et me paraît devoir être partagé par autrui.

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En ce sens, les règles générales de la morale ou du droit sont des traductions normatives des sentiments partagés de justice, auxquels les choisissent de donner force de lois.

Partie 2

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Cette analyse rencontre toutefois rapidement ses limites, dans la mesure où les individus d’un même territoire ne partagent pas toujours les même intuition de ce qui est juste. Le juste semble également en ce sens dépendre de ma position particulière, c’est-à-dire de la façon dont la justice m’avantage ou me désavantage.

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En outre, il est facile de constater que tous les pays n’ont pas exactement les mêmes règles juridiques ou morales, ce qui conduit à la conclusion nécessaire que ces lois sont relatives et ne dépendent pas d’une nature humaine profonde.

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Il devient alors possible d’expliquer la présence du juste ou de l’injuste en l’homme par la façon dont les mœurs, les traditions ou le poids de l’histoire structurent la pensée de chacun. Ce qui conduit à faire du juste et de l’injuste des normes purement relatives et habituelles.

Partie 3

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Cependant, l’habitude n’est pas une convention. Le juste et l’injuste qu’apprennent les individus leur sont imposés par la force de l’éducation, et par le poids des héritages.

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À l’inverse, une convention appelle le fait de convenir, c’est-à-dire le fait de se mettre d’accord et d’accepter positivement les termes du contrat. Cette définition de la convention suppose donc un dialogue rationnel entre les individus qui cherchent à convenir ensemble.

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Le juste et l’injuste peuvent-ils faire l’objet d’une convention, si nous constatons d’une part que les individus n’ont aucune raison de posséder les mêmes critères par nature, et que d’autre part ces critères semblent imposés culturellement ou historiquement ? La solution de la convention est en fait non seulement défendable, mais surtout la seule légitime. Il est évident qu’il ne peut y avoir de justice si tous les individus ont des critères différents (ce sera le règne de l’intérêt particulier). Mais il est non moins évident que l’imposition d’une justice par l’éducation est arbitraire, puisqu’il s’agit d’un conditionnement de l’individu. Dès lors, seules la conviction rationnelle et la délibération sont les conditions nécessaires du juste, qui doit pouvoir se justifier aux yeux de chacun et en fonction de chacun.