La philosophie peut-elle être utile ?

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L'analyse du professeur


La légende raconte que le philosophe Thalès est tombé dans un puits à force de regarder les étoiles. Sa servante amusée se mit à le railler, en considérant qu’il n’était pas très utile de se demander comment pouvaient rouler les orbes célestes, si l’on n’était pas déjà à même de savoir marcher sur terre. Pourtant, le nom du philosophe est resté célèbre, et passe pour avoir été plus utile au devenir de l’humanité que celui de sa servante oubliée.

Est-ce à dire que la philosophie a une quelconque utilité ? Comment comprendre que cette discipline, qui se définit étymologiquement comme un amour de la science ou de la sagesse, ait une utilité, attendu que ce qui est utile est ce qui sert à, ce qui a une implication pratique directe. Il semble y avoir une contradiction entre une recherche du savoir ou de la sagesse, et une dimension pratique, voire pragmatique, directement visée par l’utilité. Pourtant, il semble également possible de voir le savoir comme ce qui est le plus utile, car le plus englobant et le plus fondamental. Se pose ici le problème de comprendre ce que recouvre exactement le savoir en tant que tel, c’est-à-dire quel est le rapport particulier qui s’offre à penser entre théorie et pratique, dans le domaine philosophique.

Nous nous attacherons tout d’abord à montrer qu’il découle de la définition de la philosophie qu’elle ne peut être directement utile, puisqu’elle se donne justement pour tâche d’échapper aux considérations immédiatement pratiques ou pragmatiques (I). Nous chercherons toutefois à comprendre que cette sentence est partiellement injuste, puisque la philosophie, comme science des premiers principes et de ce qui conditionne le savoir en général, possède bien une forme d’utilité indirecte, en ce qu’elle donne sa raison d’existence aux sciences utiles (II). Partant de ce constat, nous mettrons enfin en question le sens de l’utilité, pour montrer qu’il est non seulement réducteur, mais en fait faux, de décréter l’inutilité de la philosophie, puisqu’elle est indispensable à toute science, et fournit à chaque discipline une intelligence critique d’elle-même (III).
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