Peut-on parler pour ne rien dire ?

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L'analyse du professeur


Si nous considérons le langage comme un instrument destiné à traduire la pensée, il semble impossible de parler pour ne rien dire. En effet, le langage dit toujours quelque chose. Il faut donc prendre ce sujet en un sens métaphorique pour essayer de savoir dans quelle mesure nous pourrions parler pour ne rien signifier, c’est-à-dire pour ne rien dire de particulier, dire des choses inutiles ou dépourvues de sens. En ce sens, la capacité pour le langage a toujours avoir du sens dépend de la capacité a toujours signifier quelque chose. Or, comme la raison humaine est limitée (nous ne pouvons tout savoir ni tout entendre), il apparaît que nous ne disons rien quand nous parlons si nous n’arrivons pas à formuler clairement ce que l’on veut dire ou à faire comprendre ce que l’on a dit.

Toutefois, même dans ce cas, il est possible de nous demander si le langage ne traduit rien. Ce qui est absurde ou inutile dit encore des choses sur celui qui le dit.

(...)

Plan proposé

Partie 1

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Il est d’abord possible de donner un sens métaphorique minimal à l’expression en montrant que nous ne parlons pour ne rien dire qu’à condition de détruire la fonction instrumentale du langage, qui est de transmettre une signification à une personne qui ne la possède pas initialement. En ce sens, parler pour ne rien dire peut revêtir trois sens, qui sont les étapes de formulation de la signification entre un locuteur et un récepteur. Tout d’abord, dans l’acte de réception du sens, parler pour ne rien dire revient à ne pas se faire comprendre par l’interlocuteur auquel on s’adresse.

b

Mais parler pour ne rien dire peut correspondre à un malentendu entre le locuteur et son récepteur, par exemple lorsque l’on dit quelque chose qu’il sait déjà.

c

Enfin, plus radicalement, il peut s’agir d’une destruction volontaire du sens de la part du locuteur, qui dit quelque chose qui est sa propre négation, c’est-à-dire qui emploie des mots qui n’ont volontairement pas de sens.

Partie 2

a

Toutefois, même lorsque le langage rate sa fonction première de signification directe, il continue à faire sens. La perte du sens intentionnel, ou l’absence de sens, renseigne sur l’état ou l’intention de celui qui parle,

b

au point que la signification ne se situe peut être pas tant dans ce qui est dit que dans la façon dont cela est dit ou transmis.

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À cet égard, il deviendrait absolument impossible de parler pour ne rien dire, puisque le dire ne dépendrait pas tant de l’interprétation du sens, ou même de l’attitude de celui qui dit : le dire viendrait de la présence d’une parole qui ouvre l’espace d’une interprétation ou d’un questionnement qui produit nécessairement du sens.

Partie 3

a

Nous pouvons, à ce titre, d’ailleurs constater que tout langage ne dit rien par lui-même. En effet, tout langage dépend d’un contexte de signification et ne dit rien indépendamment de ce contexte qui requiert de chacun l’apprentissage de mots et des référents associés à ces mots.

b

Dès lors, les mots sont par eux-mêmes vides : ils ne disent rien si une pensée ne les fait pas parler en fonction d’une certaine contextualisation du discours.

c

La parole n’est donc qu’un instrument pauvre du dire, puisqu’elle se contente de symboliser un monde sans le donner, c’est-à-dire qu’elle ne peut rien dire par elle-même.