Est-il raisonnable de croire en Dieu ?

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L'analyse du professeur


Ce sujet interroge les rapports entre foi et raison, et pose à cet égard le problème de savoir dans quelle mesure la raison est autorisée à juger la croyance. Le paradoxe tient au fait que la croyance porte sur des objets comme Dieu qui ne sont pas normalement soumis à la raison puisqu’ils sont définis comme radicalement supérieurs à l’homme, et ne peuvent faire l’objet d’une analyse rationnelle. Toute la difficulté de ce sujet tient toutefois au fait qu’il porte sur la question du raisonnable. La notion de raisonnable n’est pas exactement celle de rationnel. En effet, la raison est rationnelle en tant qu’elle est capable d’argumenter, c’est-à-dire de produire un discours logique qui prouve conceptuellement ce qu’il avance. Mais la raison est raisonnable dès l’instant où elle est capable d’orienter l’action, c’est-à-dire dans la mesure où elle mobilise un critère efficace du bien et du mal permettant à l’individu de se comporter de façon juste et morale. Il s’agit en ce sens d’un critère de jugement qui n’est pas tant un critère de vérité qu’un critère de comportement. Le problème sera donc de savoir si le raisonnable se fonde nécessairement sur le rationnel ou si, à l’inverse, il peut dépendre d’une croyance et permettre une action juste indépendamment de la capacité à prouver rationnellement le critère moral dont elle dépend. En d’autres termes, il semble naturel de penser que le critère du comportement juste dépend du critère rationnel de la vérité, mais la fragilité de la raison semble également induire le fait que le critère de la sagesse ne dépend pas de la logique de l’esprit et y échappe.

(...)

Plan proposé

Partie 1

a

Il est d’abord possible de penser que la croyance exclut la science dans la mesure où elle ne se fonde pas sur des arguments ou sur des preuves expérimentales mais répond aux sentiments les plus profonds de l’individu, c’est-à-dire à des intuitions qui ne peuvent faire l’objet d’un examen logique.

b

La croyance est donc contraire à la raison conçue comme logique, calcul, mesure, et il n’apparaît pas raisonnable de croire en Dieu parce que nous ne pouvons en avoir une connaissance prouvée.

c

En outre, par principe, le fait de croire en Dieu ou non ne doit pas être prouvé, puisqu’il s’agit justement d’un acte de foi qui fait de l’individu un fidèle dont la croyance ne peut être intéressée et motivée par des mobiles tangibles qui feraient douter de la pureté de sa conviction.

Partie 2

a

Cependant, en s’appuyant sur la distinction entre rationnel raisonnable, il est peut-être possible de montrer qu’il est irrationnel de croire sans pour autant que cela soit déraisonnable. En effet, les principes de la croyance peuvent fournir une morale de vie parfaitement raisonnable même si elle n’est pas rationnelle, c’est-à-dire démontrée selon les critères de la vérité scientifique. Le croyant est en effet un homme qui agit sagement en se soumettant à des principes comportementaux qui sont partagés par les autres.

b

Ce principe de soumission est un principe parfaitement conforme à la raison, au sens où cet homme agit ainsi en conformité avec son propre intérêt (il évite le conflit avec les autres).

c

Enfin, il possède ainsi un moyen d’éviter les erreurs de jugement, puisqu’il peut justifier ses actes par la règle morale acceptée par tous.

Partie 3

a

Ce constat porte toutefois à s’interroger sur la façon d’agir dans le cas de la croyance pensée comme raisonnable. Nous pouvons en effet remarquer que l’individu se trouve dans une situation de soumission aux préceptes de la foi, situation qui le rend incapable d’user de sa raison, d’avoir une distance critique ou même d’adapter intelligemment les règles prescrites par la morale sacrée.

b

Ainsi, même si les recommandations de la croyance sont raisonnables en elles-mêmes, le rapport de l’individu à sa croyance entretient une incapacité intellectuelle qui paralyse l’individu et le rend tributaire d’une vérité supérieure qui apparaît comme dictatoriale.

c

La croyance en Dieu peut donc conduire donc au déraisonnable, non pas en elle-même, mais dans la mesure où elle transforme l’homme en objet d’une règle dont il ne dispose pas mais qui dispose de lui.